did you know that dolphin are just gay sharks ♣ IVORY

À plat ventre sur son lit, en train de rêvasser tout en feuilletant un album photo, Ivory repensait aux souvenirs laissés derrière elle, ceux que jamais elle ne pourrait retrouver. Elle tomba soudain sur une photo d'elle, prise avec son propre appareil photo. Elle y était radieuse et souriante. Heureuse, pour faire simple. Elle soupira. « J'aimerais tant pouvoir sourire comme ça à nouveau... » pensa-t-elle. Ses doigts frêles effleurèrent la page et la retournèrent. Le regard amer de Ivory se posa sur la photo qui y était glissée. Son coeur fit un bond dans sa poitrine et ses joues furent submergées de larmes. Son prénom apparut dans son esprit, et elle ne put le chasser. Vint avec tous ces souvenirs, aussi bons que mauvais. Les démons qu'elle avaient exorcisés étaient revenus et la poignardaient. Elle chuchota fébrilement son prénom, encore sous le choc. Cela faisait un an qu'elle n'avait pas revu cette photo, celle d'un jeune homme brun aux yeux verts, craquant, sexy. Oui, une froide beauté et un jeune homme imprévisible. « Lennon. »

Encore sous le choc, Ivory tourna la page - contrairement à son coeur, qui n'arrivait pas à la tourner. La photo recouverte par ce mince plastique était d'autant plus douloureuse que la précédente. Un baiser fougeux, des mains serrées, caressant mutuellement leurs chevelures, des sourires subtils. Le bonheur était le mot qui pouvait le mieux décrire cette photo. Seulement, ce n'était qu'un pauvre souvenir, réduit à ce carré de papier glacé. Ivory la sortit de son enveloppe plastifiée et l'observa longuement. Pourquoi tant de torture ? Pourquoi se faisait-elle souffrir comme cela ? Pourquoi l'avait-il faite souffrir ainsi ? Elle soupira, reposa la photo et essuya de ses pouces le mascara qui noircissait son visage pur. La jeune fille retint un sanglot et referma l'album. Sensible comme elle était, elle savait très bien qu'en l'ouvrant elle pleurerait. Pourtant, elle l'avait fait. Elle était têtue comme une mule. C'était bien ce que Lennon lui répétait sans cesse, avant d'ajouter ; « ... c'est bien pour ça que je t'aime. » Cette pensée lui fendit littéralement le coeur. Elle se laissa tomber à genoux, incapable de tenir sur ses jambes fléchissantes. Ça faisait un an qu'ils avaient rompu, et pourtant elle repensait encore et toujours à lui, peu importe ce qu'elle faisait. Elle pensait à lui matin, midi et soir. Son visage la hantait dans ses nuits et elle s'ennuyait de ses bras qui la serraient. Son souffle chaud dans son cou, ses lèvres contre les siennes. Tout lui revenait, comme si elle le touchait réellement. Elle hurla de douleur, tant elle souffrait. Seule dans son appartement, elle se mit à pleurer comme si sa vie en dépendait.

Lennon était bien le seul petit-ami que Ivory ait jamais eu, et le seul homme qu'elle ait jamais aimé. Ils avaient vécu un amour farouche, aussi bien heureux que malheureux. Mais qu'importe ce qui arrivait, ils en resortaient plus fort et leur amour semblait ne jamais pouvoir s'estomper. Sauf qu'ils eurent tort. Sans qu'elle s'en rende compte, sa relation avec Lennon devenait de plus en plus dévastatrice. Elle ne vit rien venir, et plus le temps passait, plus elle souffrait. Elle se rendit compte un jour que l'amour qu'éprouvait autrefois son prince diminuait considérablement. Pour qu'elle raison ? Jamais elle ne sut. Puis un jour, l'évènement tragique survint. La rupture. Ivory ne s'en est toujours pas remise. Elle en fait des cauchemars et elle rejète l'amour à chaque fois qu'il se pointe. Elle n'eut jamais plus de nouvelles de Lennon, si ce n'est que ses amies lui racontaient qu'il s'en était très bien remit et qu'il enchaînait désormais les conquêtes. Cela ne fit que remuer le couteau dans la plaie, et bientôt Ivory ne voulut plus rien entendre de lui. « My head is saying "fool, forget him", my heart is saying "don't let go". Hold on to the end, that's what I intend to do. I'm hopelessly devoted to you. But now there's nowhere to hide, since you pushed my love aside I'm outta my head, hopelessly devoted to you. » répétait-elle, se retrouvant parfaitement dans le film Grease, jusqu'à ce que le couple se réunisse. Tant de fois elle avait imaginé Lennon et elle, dansant sur cet air épique., reprenant leur histoire là où ils l'avaient laissées, l'été précédent. Évidemment, elle ne voulait pas que leur éventuelle réconciliation se fasse ainsi, en dansant et en chantant, mais toujours elle espérait qu'il veuille d'elle à nouveau, et ce, malgré la douleur qu'elle avait endurée.

Ses parents lui avaient proposé maintes et maintes fois qu'elle revienne vivre avec eux, car la solitude et la peine la rendraient démente. Retourner à son ancienne vie, si parfaite, aisée, avec ceux qu'elle aimait ? Non, elle n'en voulait pas. Elle voulait être seule. Elle était bien ainsi, elle s'en sortit à merveille. Il suffisait qu'elle ne pense pas volontairement à lui, et tout irait bien. Le seul hic, c'est que malgré tout, elle pensait à lui. Pensait-il à elle, parfois ? Avait-il regretté leur rupture ? Sûrement pas, non. Elle était si peu importante, elle était bien facile à oublier.

Sa crise de désespoir passée, Ivory se redressa sur ses jambes molles, bras serrés contre sa poitrine, et alla s'asseoir sur le canapé du salon. La grande baie vitrée laissait voir le paysage gris et pluvieux. Le tonnerre retentit alors, mais rien ne pouvait ébranler l'amère Ivory. Son regard aussi vitreux que la fenêtre se perdit et bientôt ses yeux se fermèrent et elle s'endormit, à la musique du tonnerre et à la veilleuse de l'éclair.

Sa vie défila dans son esprit à la vitesse de l'éclair. De sa naissance à ses premiers pas. Elle se rappellait de ses plus vieux souvenirs, et pourtant jamais n'en avait connu l'existence. Habituellement, personne ne se souvient de rien avec ses 3 ans. Mais Ivory vit sa vie entière comme si elle la revivait sur fast forward. Elle revit sa soeur et elle, assises en indien, jouant aux Barbies. Sa soeur, comme elle lui manquait. La Floride n'était pas à coté, et la distance qui la séparait de sa frangine la rendaient encore plus amère, car Ruth était sa meilleure amie, sa confidente, sa jumelle. Elle seule la comprenait. Elle étaient désormais à des kilomètres l'une de l'autre. Les e-mails étaient rares. Puis, Ivory vit tous ces certificats de félicitations qu'elle recevait à l'école primaire. Elle était brillante, intelligente et inventive, mais surtout, elle était mielleuse et joyeuse, ce pourquoi tout le monde l'adorait. Y comprit Lennon. À la vue de ce petit brun aux yeux forêt, tous les moments passés avec lui défilèrent. Ivory remuait dans son sommeil, le rêve devenait cauchemar. Puis, néant, blackout. Il était maintenant sept heures trente-deux du matin, et elle devait se préparer pour aller en cours. Le droit, ce qu'elle voulait faire depuis qu'elle n'était encore qu'une enfant.